Mon coeur est rongé chaque jour, depuis cette satanée assemblée. Je brouille du noir partout ou je passe, je souffre intérieurement depuis le départ de ma fille... Ou plutôt de son enlèvement. Je souffre de le manque de confiance de mon lieutenant, je souffre de l'abandon d'Étoile de Givre, je souffre du départ de Fleur de Printemps. Elle m'a dit ses adieux il y a peu, elle voulait retrouver son unique fille sans doute morte. Je voulais l'aider, mais elle m'avait dit qu'elle devait le faire seule. Qu'elle venait de réaliser. Qu'elle devait chercher loin. Loin du clan de la Brise. Or moi, je ne pouvais pas la suivre. Même si je le voulais. Je suis le chef d'un clan, je devais moi-même retrouver Nuage de Pierre. Nuage Enflammé et Coeur de Rosée avaient besoin de moi. Je soupirais lentement et m'affallais en pleins milieu du champs ensoleillé. Le soleil brillait de milles feu et je fermais les yeux, avec l'intention de tout oublier. Tout effacer de ma mémoire. Je souffrais trop ces temps-ci et je ne savais pas si j'allais tenir bien longtemps. Peut-être aurais-je dû tout abandonner et suivre celle dont j'étais - je suis profondément amoureux?  Or, cela est trop tard. Et avoir des remords me feraient seulement souffrir encore plus. La vie était bien dure pour moi. Pourtant il y a une chose, que je sais et que je réalise:

Je n'oublierais jamais...

Je sentais une odeur, puis quelque chose - ou plutôt quelqu'un - s'approcha de moi. Je plissais les yeux et me relevais doucement, voulant tout de même rester présentable. Je suis un chef, je le dois bien. Que cela me plaise ou non. Qui venait en cette heure plutôt tardive? Il fallait bien avouer que le soleil se couchait lentement. Il brillait toujours, le ciel n'était pas encore orangé, mais il commençait à se faire tard.

L'odeur du clan du ruisseau s'infiltra dans mon museau et je me crispais à cette pensée. Je n'étais pas très joyeux de croiser ce clan depuis l'assemblée. J'espérais intérieurement que je n'allais pas tomber sur la lieutenante du clan du ruisseau, Voie Lactée, ou même pire, Étoile d'une Cerise. Ces deux-là, je voulais les éviter à tous prix. Le clan des étoiles ne voulait tout de même pas me pousser à bout? Parfois je me le demandais. J'étais soulagée lorsqu'une petite silhouette se présenta devant moi. Ce ne pouvait donc ni être la lieutenante, ni la chef. Je plissais les yeux et reconnu un jeune chat, sûrement apprenti, qui paraissait désespéré. Il avait le soleil en plein visage et ne voyait pas la personne en face de lui - moi. Je ravalais ma rancune envers ce clan maudit, après tout un jeune apprenti ne devait pas encaisser ma colère. Il était innocent et je soupirais, un bon long soupir. Il fallait que j'agisse d'une manière raisonnable, ce que je faisais rarement ces temps-ci.

" Qui est là? " demanda le mâle.

Je m'approchais de lui et me positionnais, en sorte qu'il m'apperçoive. Allait-il me reconnaitre? Savait-il que je menais le clan de la brise? Je n'en savais trop rien. Je lui répondit d'une voix sage:

" Étoile du Cerisier. Meneur du clan de la Brise. À qui ai-je affaire? "

Mes oreilles remuèrent et je restais bien debout en face de l'apprenti, en le détaillant rapidement du regard. Pelage gris, tigré de noir... Les yeux ambrés et brillants... Un jeune apprenti pleins de vie. Pourtant je remarquais une légère pointe de tristesse dans ses prunelles et je commençais à me poser des questions. Pouvait-on à un tel âge déjà être accablé par le chagrin? C'était bien tôt... Trop tôt...

Je voyais à sa tête qu'il hésita un petit moment, c'était sûr que d'avoir un chef face à sois était plutôt intimidant. Sa petite tête remua un peu et c'est seulement après que l'apprenti décida à lui donner un réponse:

"Je m'appelle nuage sauvage. Je suis un apprenti du clan du ruisseau. En Fait je pensais me retrouver seul ici. Mais le clan des étoiles en a décidé autrement. Et vous que faites vous ici ? "

Mes oreilles remuèrent une nouvelle fois et je fouettais l'air avec ma queue. Il ne le voulait sûrement pas, mais sa question me piquais au vif. Lui avouer que je n'avais qu'une envie, c'était d'oublier ma responsabilité de chef du clan de la brise? Sûrement pas. Il fallait que je mente ou que je détourne l'attention du mâle vers un autre sujet. Oui, pourquoi pas? Je cherchais une manière simple de détourner son attention, mais le jeune matou tigré se décida de me dévancer:

" Bien sûr vous n'êtes pas obligés de me répondre. "

Je soupirais en le voyant baisser sa petite tête d'une manière gêné. Bien sûr, je n'étais obligé à rien. Ce n'étais pas une jeune apprenti d'un autre clan qui allait me donner des ordres. Si je le voulais, je pouvais simplement m'en aller. Pourtant, je décidais d'être sympathique avec lui. À quoi cela sert-il de rejetter son malheur sur le dos des autres? À rien. Juste à s'énerver inutilement, à vexer et énerver les autres. Je me râclais la gorge et répondit d'une voix fâtiguée:

" Si, ce n'est pas grave. Je suis venu ici, en ayant la même intention que toi sans doute. J'avais également besoin d'un peu de calme. "

Je m'asseyais sur le sol, en enroulant ma queue autours de mes pattes avants. Je lui souriais gentiment et un silence s'installa entre nous. Nous étions à côtés, autant discuter un peu. C'est ainsi que je lui adressais une nouvelle fois la parole:

" Beau temps, pas vrai? "

C'étais une phrase tellement banale pour commencer une discution et pourtant je le faisais. Les choses banales n'étaient pas forcément désagréables, au contraire. Cela faisait du bien de pouvoir enfin vivre normalement, une vie peinard et tranquille, une vie normale. Sans problèmes. Ce petit commençait à m'enlever les pensées négatives de mon cerveau et c'est sûrement ce qui me fit changer lentement d'humeur.

" Oui, c'est vr.... "
Je tournais ma tête vers le jeune apprenti, en signe que j'attendais la suite de sa phrase. Pourtant, rien ne vint. C'est à ce moment que je le voyais, la gueule ouverte et avec un visage en larmes. Je ne disais rien, le regardant vider sa tristesse silencieusement. Je n'avais donc pas rêvé. Ce jeune chat souffais réellement de quelque chose, que j'ignorais. Je n’étais pas le seul qui était venu ici, pour oublier. Je le laissa continuer sans rien dire, je ne voulais pas le déranger. J’étais un des premiers à savoir qu’il fallait sortir toute la colère et tristesse que l’on ressentait. Sinon on aurait tendance à l’enfouir au fonds de notre cœur, ravaler nos émotions à chaque fois et finalement exploser un jour ou l’autre. Je le sentais, un jour j’allais exploser. Car moi, je la ravalais, cette colère et cette souffrance. Sans cesse, je l’avalais. Je ne voulais pas que cet apprenti, ayant pas mal de choses en commun avec moi, ne finisse comme moi. Son regard croisa le miens et je lui souriais, avec compassion :
" Ne fais pas attention à moi. "
J’attendais un petit moment, avant d’ajouter autre chose. Je devrais faire pareil. Sortir ce que j’avais sur le cœur. Pourtant je ne le fis pas. Nuage Sauvage avait le droit, il était jeune. Moi, j’étais bien trop grand pour le faire. Et… Il était toujours un apprenti d’un clan ennemi, qui ne devait pas surprendre le chef du clan de la brise avec de la rancœur, de la douleur. Il était peut-être trop jeune pour se rendre compte que cette tristesse pourrait donner l’impression que le clan était en mauvaise posture. Alors qu’en fait cela ne concernait que moi… Et on ne savais jamais… Surtout que malheureusement quelque chose au fonds de mon cœur m’empêchait de me confier à qui que ce soit, à part parfois ma sœur, Cœur de Rosée : C’était depuis l’incident avec Voie Lactée. J’étais persuadé qu’elle voulait me soutirer des informations, même si ce n’était en réalité pas le cas. Mais j’en suis persuadé. Nuage Sauvage avait le droit de se montrer vulnérable, de ce confier. Moi j’étais un chef. Tout de même, j’avais un peu d’affection pour l’apprenti.
" La vie peut se montrer aussi merveilleuse, qu’elle peut se montrer cruelle. Nous sommes obligés d’ignorer, d’avancer en gardant la tête haute. La vie n’est pas finit Nuage Sauvage. Elle peut te le faire croire si tu tombes dans son piège, si tu restes dans le passé, accablé par le chagrin. Il faut défier la vie. Le passé, c’est du passé. Le futur, c’est le futur. Mais en ce qui concerne le présent… Seul toi peux le gérer. C’est le seul moment où tu peux décider de ta vie. C’est pour cela que tu dois le vivre à fonds. Surtout que tu es jeune… Tu as toute ta vie devant toi… "
Je regardais devant moi, à l’horizon.

J'étais perdu dans mes pensées, j'avais l'impression de m'adresser également à moi-même. Tous ces mots que je venais de prononcer, ils me touchaient également. Un moment j'hésitais même à prévenir Nuage Sauvage de ne jamais devenir un chef de clan. Toutes ces responsabilités étaient horrifiantes. Pourtant, je tenais ma langue. Peut-être étais-ce son rêve? Pourquoi devoir le détruire? Sans oublier que la situation m'affectait moi, seulement moi. Les autres chefs étaient bien mieux abiles et pourraient plus facilement s'adapter à chaque situation. Le problème... C'est que j'ai un coeur. Ce qui peut être un handicap pour un chef. Car il ne faut pas prendre certaines descisions avec son coeur, mais avec la raison. Étoile de Givre m'a toujours conseillé d'écouter mon coeur, mais as-t-elle réellement raison? J'en doute. Peut-être qu'avoir un coeur et être trop gentil n'étais pas la même chose? Dans ce cas, qu'étais-ce d'avoir un coeur? Avoir un bon équilibre? Être compréhensif, gentil, mais également sévère et déterminé? Je me retenais de pousser un nouveau soupir. Non, je n'étais pas venu ici pour penser encore une fois à mes songes les plus déprimantes de la planète des chats.

"Puis-je vous demandez une faveur ?"

La petite voix de l'apprenti me fit sortir de mes pensées, je tournais la tête vers lui et plongea mon regard dans le siens. Je pénétrais dans ses yeux, le plus loin possible, car cela me réconfortais. Il n'y avait plus de larmes sur son visage et j'en étais soulagé. Je ne répondais pas tout de suite, car c'était souvent une phrase difficile à cerner avec franchise. S'il me demandait de lui donner des milliers d'informations sur le clan de la brise, je refuserais bien sûr. Vous voyez, je suis vraiment devenu méfiant depuis tous ces malheurs qui s'abattaient sur moi. Pourtant je voulais l'aider, ce petit. J'étais curieux de ce qu'il allait me demander.

" Bien sûr. De quoi s'agit-il? "

"Eh bien euh ... C'est compliqué." commença le petit apprenti.

Je lui laissais le temps de s'exprimer, c'était compliqué mais on avait tous le temps. Et si c'était difficile à dire, il n'y avait aucune problème. J'étais le mieux placer pour le comprendre. Il hésitait à me parler... C'était une réaction connue lorsqu'on voulait se confier. Je restais patient.

"Voilà, il y a de cela 5 lunes je n'était encore qu'un chaton solitaire. Je vivais avec mon père, Jack, et mon frère, souris. Tout allait bien, moi et mon frère nous étions inséparable. Mais une nuit sombre, un blaireau à pénétré notre tanière. Je me suis caché dans un trou. Pendant ce temps le blaireau a assassiné ma famille."

Je le regardais finalement et vis encore comment il essuya sa larme. J'avais la gorge noué. Nuage Sauvage se sentait coupable. Je l'avais compris immédiatement. Un autre sentiment que je connaissais trop bien... Je lui laissais le temps de reprendre son souffle, d'avoir le courage de continuer. Son regard d'hésitation croisa le miens et je l'encourageais gentiment de continuer.

"... Le blaireau m'avait flairé, pétrifié je ne pûs m'enfuir. Depuis je porte cette cicatrice. "

Je regardais la cicatrice qu'il me montra du bout du museau. Elle zébrait son poitrail. Maintenant je comprenais, moi qui me demandais pourquoi un si jeune apprenti portait déjà une trace de combat.

" Je suis désolée pour toi... " esayais-je de le consoler.

"Par le suite j'ai éré, j'ai dû me débrouiller tout seul. Mon régime alimentaire n'était composé que d'insecte. Et un beau jour je suis arrivé sur le territoire du ruisseau. Il m'ont receuillis et aujourd'hui je suis ici. Je vous raconte tout ça car la vérité est que vous... Vous me rappelez mon père."

Sur le coup une pensée fusait dans ma tête. Et si cet apprenti était envoyé par Etoile d'une Cerise pour m'amadouer et calmer notre dispute? Je vous l'avais dis, je suis très méfiant. Pourtant cette pensée disparaissait aussi vite qu'elle était apparut. Nuage Sauvage a eu un passé difficile et a été sauvé par le clan du ruisseau. Au moins ils n'avaient pas un cœur de pierre. La dernière phrase me déstabilisais. Vous me rappelez mon père. Mon cœur eut un moment d'arrêt et je me levais. Je regardais l'horizon et ne savais pas quoi dire. Mes yeux étaient voilés de tristesse.  Je regardais finalement l'apprenti et les émotions pénétraient de plus en plus en moi.

" Nuage Sauvage, écoute... Je... "

Il m'était impossible de finir ma phrase, je déglutissais en essayant d'enlever ce noeux coincé dans ma gorge. Je comprenais pourquoi Nuage Sauvage me touchait tant psychologiquement. Il me ressemblait un peu, lui aussi avait souffert... Et... Il... Des larmes montèrent dans mes yeux... Il avait le physique de Nuage de Pierre... Et de Nuit d'Étincelle... S'en était trop. Je pleurais à chaudes larmes. Je ravalais finalement ma tristesse et essuyais mes larmes. Puis je m'approchais de l'apprenti et l'entoura avec ma queue, en signe de protection. Comment je pouvais m'être autant attaché à un apprenti ennemi, et en plus cela en une seule journée?

" Tu n'y es pour rien. Tu as vécu ce malheur, mais tu ne dois rien te reprocher. N'importe quel chaton aurait réagit de la même manière en se cachant. C'est ce... que ton père aurait voulut... "

"Merci beaucoup. Vous m'avez fait ravaler ma tristesse, vous m'avez réconforté, vous m'avez aidé à ne pas culpabiliser. Sachez que pour moi vous êtes comme un père. Peut-être que vous avez déjà un fils, ou même plusieurs. Peut-être que vous ne voulez pas de moi comme fils, mais moi je vois en vous le père que j'ai perdu à l'âge de mes 2 lunes. Maintenant je pense qu'il est l'heure de se quitter, mais je n'aime pas les adieux, je garde l'espoir que l'on se revoient. Je préfère vous dire à une prochaine fois."

La voix de l'apprenti me firent revenir dans la réalité. Ses mots s'incrustaient en moi pour s'enrouler autours de mon cœur, comme des ronces qui se plantaient dedans. Oui, gardons l'espoir de nous revoir dans des circonstances tout aussi paisibles de maintenant. Cet apprenti que je souhaitais désormais autant protéger était toujours le novice d'un clan adverse. Et ce clan adverse n'avait pas les meilleures relations avec le clan de la brise. Je me relevais pour croiser le regard de Nuage Sauvage, je m'étais à nouveau repris en main. Avec mon masque de protection sur le visage, je gardais un expression neutre.

" Le clan a également besoin de moi, il faut effectivement que l'on se quitte. Et oui, espérons qu'un jour nos chemins se recroiseront. "

Et non lors d'un combat. Je gardais ma dernière phrase pour moi. J'étais tout de même content d'avoir pu apaiser son cœur, mais je ne laissais plus rien paraître. Je voulais cacher mes émotions, j'en avait déjà montré assez. D'un hochement de tête je terminais ma phrase avant de partir:

" Au revoir Nuage Sauvage. Portes-toi bien et n'oublie jamais ce que je t'ai dis. "

Je me retournais et me mis en route pour rentrer au camps. Je chassais le petit novice de ma tête avec difficulté, il n'avait pas le droit de me perturber. Et il ne fallait pas que je m'attache à l'ennemi. Classer Nuage Sauvage en tant qu'ennemi me fit froid au dos et mal. Mais bien au fonds de mon cœur, je regrettais... Je regrettais de ne pas lui avoir dit que je le voyais également comme un fils. Car c'est ainsi que je le voyais.

HRP: