Il était une fois, un chaton frêle et fragile. Issu d'une portée de quatre petits, il avait été le dernier à naître. Très faible, il mit du temps à ouvrir ses yeux, à savoir marcher, à sortir de la pouponnière. Ses parents, dans un premier temps, crurent qu'il ne survivrait pas, et ne lui donnèrent pas de nom. Mais le chaton frêle et fragile survécut, et ils durent se résoudre à lui donner un nom. D'abord, ils hésitèrent. Puis, ils se dirent que ce chaton était un cauchemar qu'ils n'auraient pas aimé voir se réaliser. Ce chaton reçut son nom assez tard. Ce chaton se nommait Cauchemar.
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«Eh, le mauvais rêve, tu t'es déjà levé, aujourd'hui ? Ah, oui, c'est vrai. T'as du faire trois pas, mais t'es trop nul et maigre, t'es retombé avant !»Voilà ce qu'entendait Cauchemar, chaque jour de son existence, qui ne venait pourtant que de commencer. Elle aurait voulu sauter sur les petits impertinents qui lui répétaient sans arrêt les mêmes moqueries, mais elle s'abstenait. À la place, elle se contentait de ravaler sa colère, et, en restant couchée, pensait à une vengeance, qu'elle pourrait mettre en place contre tous ces chats qui la sous estimaient.
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«Eh, mauvais rêve, on parie que tu ne peux pas me combattre ?»Cauchemar lança un regard noir à l'apprenti qui venait de lui parler. Elle allait avoir six lunes, et n'était donc pas encore une apprentie. Depuis sa naissance, cependant, elle s'était fortifiée ; elle était beaucoup moins maigres, et arrivait très bien à marcher. Elle n'était pas toujours restée à la pouponnière ; elle s'était, souvent, faufilée chez le soigneur, et avait appris deux ou trois choses à propos de ce rang.
À présent, elle allait bientôt devenir apprentie. Et elle savait quoi faire.
«Je n'aurais pas besoin de te combattre, ronronna-t-elle à l'attention de l'apprenti.
Mais tu vas sûrement regretter de t'être moqué de moi.»Cauchemar se leva, et, sans attendre de réponse de la part du novice, quitta la pouponnière pour se diriger vers l'antre du soigneur. Elle entra d'un pas décidé et se plaça devant le matou, qui la regarda sans piper mot.
«Malheur, lança la femelle noire d'une voix forte,
Je veux devenir ton apprentie. »**
Le temps passa vite en compagnie de Malheur. Ce dernier n'était pas quelqu'un de vraiment désagréable, il transmit facilement ses connaissances à Cauchemar. La petite apprenait vite, et ne regrettait en rien d'être devenue apprentie-soigneuse. Grâce à cela, elle évitait les moqueries des autres apprentis, quand il s'agissait de se battre ou de chasser. Pourtant, elle savait très bien faire les deux, en plus de soigner ses camarades. Elle s'était musclée, et ne ressemblait en rien au chaton qu'elle était à la pouponnière.
Puis Malheur mourut. Cauchemar avait toutes les connaissances nécessaire pour prendre la relève, mais ne s'attendait pas à ce qu'il parte si vite. Elle se fit plus dure, soignant les chats de sa tribu avec moins de délicatesse que précédemment.